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La création d’un Etat Palestinien aux côtés d’Israël  Etat Juif  serait donc la seule alternative possible ?

Par François Lazar

L’orientation officielle qui réclame la constitution d’un État palestinien sur les territoires de 1967 est elle réaliste ? Quel est son fondement ? A l’occasion des nouveaux  pourparlers de paix  , ouverts sous l’égide de Barack Obama, mais repris en main par Hillary Clinton, la perspective des deux États est une fois de plus dressée comme l’objectif suprême. Lors de la récente assemblée générale des Nations Unies (23 septembre), Obama a déclaré avec grandiloquence :  Nous pouvons nous retrouver ici l’année prochaine, comme nous l’avons fait au cours des soixante dernières années, et faire de longs discours… ou bien nous pouvons affirmer que cette fois-ci sera différente, que nous ne laisserons pas le terrorisme gagner. Cette fois-ci, nous ne penserons pas à nous-mêmes mais à la petite fille de Gaza qui ne veut pas qu’il y ait de frontière à ses rêves ou au petit garçon de Sdérot qui veut dormir sans cauchemar sur des tirs de roquettes . L’utilisation de la souffrance des enfants, cette équivalence faite entre deux situations totalement disproportionnées masque à peine le mépris du Président américain pour les enfants dont il parle, particulièrement pour les enfants palestiniens de Gaza, régulièrement décimés par la peur, la faim, les bombardements. Mais pour Obama, le terrorisme est palestinien, le  problème  est palestinien.
La solution des deux États serait donc la moins pire, la seule réaliste, la seule conforme à la partition de la Palestine décidée par l’ONU en 1947. Défendue par les tenants de la Feuille de route (le Quartet) comme par les bien pensants, la solution des deux États vise essentiellement et de manière désespérée, à permettre le maintien et surtout l’insertion de l’État israélien dans la région.

Quels sont les problèmes ?

L’État palestinien ne sera jamais créé sur la totalité du territoire de Cisjordanie. Chacun sait qu’Israël n’abandonnera jamais la Cisjordanie, où vivent à présent 500 000 israéliens (incluant Jérusalem Est) et où se trouvent notamment plus de 25% des réserves d’eau fraîche utilisées. Est il pensable d’obtenir le retrait des territoires de toute présence israélienne ? La colonisation est indissociable du projet sioniste. Elle en est même la condition. A quel prix un tel désengagement pourrait avoir lieu ? Quel gouvernement israélien, quel gouvernement américain souhaite une guerre civile en Israël ? Et si avec beaucoup d’imagination, un tel mouvement pouvait se produire, qu’adviendrait-il des centaines de milliers de palestiniens arabes demeurant à l’intérieur d’Israël ? Cela permettrait il la réalisation du droit au retour des palestiniens sur leurs terres, dans leurs villages d’origine ? Pourtant, si un accord, une force internationale, voire un mouvement populaire entraînant un bouleversement politique était capable d’obtenir le désengagement israélien de Cisjordanie et de Jérusalem Est, il serait tout autant capable de mettre en œuvre l’égalité des droits et la démocratie politique pour toutes les composantes qui vivent sur le territoire historique de la Palestine. La séparation où l’égalité des droits : il s’agit bien de deux orientations politiques différentes.

L’État palestinien, qui n’aura d’État que le nom, sera créé là où Israël et les Etats-Unis le décideront. C’est pour cette raison que l’on nous parle de l’implication américaine et européenne, de l’esprit de compromis israélien et d’intransigeance palestinienne. L’État d’Israël, fondé sur l’idéologie sioniste ne renoncera pas à ses objectifs de conquête de la totalité de la Palestine historique. Qui peut prétendre le contraire ? Ce qu’il convient d’appeler l’Impérialisme américain ne renoncera pas à son objectif de contrôle des richesses pétrolières de la région, contrôle dont le corollaire est l’asservissement de tous les peuples, de toutes les revendications nationales et démocratiques. Le peuple palestinien, dans son ensemble, qu’il se trouve à l’intérieur de l’État hébreu, dans les territoires occupés depuis 1967, dans les camps de réfugiés ou plus largement dans la diaspora ne renoncera jamais à ses droits, constitutifs de son identité, à commencer par le droit au retour.

Il conviendrait donc que chacune des parties, pour reprendre la déclaration profondément cynique d’un Netanyaou fasse  des concessions douloureuses  , et le tour serait joué. Nous aurions deux camps autour d’une table de négociation, capables de faire des concessions.

Il revient à Mahmoud Abbas, qui parle au nom de l’Organisation de Libération de la Palestine de négocier au nom du peuple palestinien. La prise de contrôle de l’OLP - qui relève plus du putsch que du débat démocratique - par l’équipe dirigeante de l’Autorité Palestinienne, véritable garde servile du commanditaire américain, dont dépendent les salaires de ses 160 000 fonctionnaires, était une étape nécessaire à la reprise du  processus de paix  . L’Autorité Palestinienne, mise en place par les Accords d’Oslo en 1993 pour désorganiser le mouvement national palestinien et corrompre toute expression indépendante est aujourd’hui dirigée par Mahmoud Abbas, dont le mandat de président élu a expiré il y a plus d’un an et demi. Son Premier ministre Salam Fayad, ancien haut fonctionnaire du FMI, qui n’a jamais été membre d’une organisation de l’OLP ne peut compter que sur la répression pour parvenir à ses objectifs (à l’image de ce que font les États Unis d’Amérique dans les pays qu’ils veulent contrôler). Le gouvernement israélien n’a pu accentuer dans la dernière période sa politique d’annexion et de répression contre toutes les formes de résistance qu’avec la participation active de la police de l’AP, dirigée par le général américain Dayton, et qui maintient dans ses prisons plus de prisonniers palestiniens que dans les prisons israéliennes. Quant au Hamas, dont la revendication essentielle est de diriger l’Autorité Palestinienne à la place du Fatah, il paye sa proximité avec l’Iran et sert surtout de représentation officielle de l’ intransigeance palestinienne  .

Côté israélien, Benyamin Netanyaou n’a accepté d’entrer dans le jeu des prétendues négociations directes que pour obtenir de l’AP – OLP la reconnaissance de l’État hébreu en tant qu’ État Juif  . Ce besoin d’affirmer le caractère  juif  de l’État hébreu exprime l’incertitude quant à l’avenir chez les populations juives d’une part et chez leurs dirigeants d’autre part, insérés par la force et par la spoliation dans la région. Plus grave, cette revendication augure de nouvelles souffrances, de nouvelles expulsions pour les palestiniens, notamment ceux résidant à l’intérieur des frontières de 1948, qui ne correspondraient pas aux critères ethniques et religieux d’un État défini et surtout reconnu comme  juif  . Comme tous les États, Israël est avant tout celui de sa classe dirigeante. Il est l’État de ceux qui y investissent, qu’ils soient de confession juive, chrétienne, musulmane… ou tout simplement marchand de canons. La reconnaissance, par l’AP – OLP d’un caractère   juif  améliorera-t-elle les conditions d’existence du quart de la population (juive) d’Israël qui vit sous le seuil de pauvreté ? On peu en douter. Une telle reconnaissance légitimerait l’oppresseur israélien dans ses projets de purification ethnique.

La constitution d’une entité qui sera appelée  État palestinien par dérision est donc au centre du dispositif qui vise à préserver l’existence de l’État sioniste. C’est pourquoi des dirigeants comme Shimon Péres ou Ehud Barak en sont les principaux avocats. Mais l’État sioniste se heurte à la résistance de tout un peuple et au-delà de manière plus ou moins consciente de tous les peuples qui luttent pour le respect de leurs droits. Encore une fois, comment penser un seul instant que le peuple palestinien renoncera à sa terre, à son droit au retour ?

Le sort du peuple palestinien – comme des peuples irakien ou Afghan pour ne citer qu’eux - importe peu aux Etats-Unis. Leur principal objectif est d’avancer dans la normalisation des relations entre Israël et les pays arabes dits modérés (c'est-à-dire dont les autocrates sont pro américains, comme l’Égypte, la Jordanie) pour incruster leur emprise dans cette région pétrolière d’importance capitale pour leur économie et contrer l’influence de l’Iran.

La partition de la Palestine, la division organisée, planifiée, structurée entre les populations est un élément essentiel de contrôle et de maintien de l’ordre : l’ordre colonialiste dont l’objectif fondamental est le pillage et la prévarication.

L’impasse liée à la perspective des deux États est totale. Cette impasse est celle de la politique américaine dans la région, qui interdit aux peuples le droit à disposer d’eux-mêmes, qui maintient par la force des régimes honnis. L’État d’Israël, qui tout en étant un bagne pour les palestiniens, plonge les populations juives dans l’incertitude, est au Moyen Orient une expression de la politique américaine. Leurs sorts sont intrinsèquement liés.

S’il y a plusieurs solutions, une seule est démocratique

De plus en plus fréquemment, on nous dit que si le processus de paix n’aboutit pas, un seul État – qui existe déjà de fait – contrôlera la totalité du territoire, plongeant les populations palestiniennes dans l’apartheid – qui lui aussi existe déjà de fait. Un mot sur le problème de l’apartheid en Palestine, où nombre de militants démocratiques se réfèrent à la disparition de ce régime en Afrique du Sud comme modèle. En Afrique du Sud   aujourd’hui , plus de 40% de la population, (pour l’essentiel il s’agit de Noirs) continuent à vivre dans des bidonvilles, n’ayant même pas accès à l’eau potable. Près de 50% de la population survivent avec moins d’un dollar par jour, c'est-à-dire sous le seuil de pauvreté officiel. 40% de la population active sont au chômage. Les sans-logis, les chômeurs sont, dans une immense proportion (environ 90 %), des Noirs. Depuis la chute de l’apartheid, ils ont le droit de vote, de voter pour des dirigeants Noirs, qui mettent en place la politique économique des blancs. Est-ce là le modèle souhaité pour une Palestine libérée du joug colonial ? En Afrique du Sud, l’Apartheid social est toujours là et s’est même aggravé, et c’est son démantèlement qui est à l’ordre du jour pour les masses de travailleurs Noirs déshérités.

Revendiquer la possibilité des deux États relève de l’indécence ou de la manipulation d’autant plus lorsque l’on y associe le droit au retour. Si le plus long  processus de paix  de l’histoire n’a toujours pas débouché sur la moindre perspective de paix, c’est parce que la paix implique la réalisation de la démocratie politique, et des droits égaux, à commencer par ceux des populations opprimées. Autant de revendications qui ne pourront prendre forme que dans un État démocratique et laïque. Autant de revendications incompatibles avec la politique de pillage et de domination à laquelle se livre l’impérialisme américain.

From DIALOGUE REVIEW ( www.dialogue-review.com )