Note à Kerry : De plus en plus de Palestiniens et d’Israéliens sont favorables à un État unique
Par Jonathan Ofir, le 6 janvier 2017
Dans son récent discours
Remarques sur la paix au Moyen Orient
, dont j’ai déjà décortiqué et caractérisé le calendrier historique sélectif, J. Kerry a aussi présenté de façon erronée un problème tout à fait central, que je n’ai pas encore abordé en détail : le fait que des Palestiniens et des Israéliens souhaitent une solution avec un seul État.
À plusieurs reprises, Kerry a considéré cela comme une impossibilité, en tout cas une non-solution, qui ne serait dans l’intérêt de personne.
Dans l’un des premiers paragraphes, il a répété trois fois que la solution à deux États était le seul et unique moyen :
… parce que la solution à deux États est le seul moyen d’instaurer une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens. C’est le seul moyen de garantir l’avenir d’Israël comme État Juif et démocratique, vivant en paix et en sécurité avec ses voisins. C’est le seul moyen de garantir un avenir de liberté et de dignité pour le peuple palestinien.
De façon intéressante, il a aussi terminé ce paragraphe en indiquant brièvement et discrètement que
c’est un moyen important de faire avancer les intérêts des États-Unis dans la région.
Comme je l’ai déjà dit, je trouve que cette mention finale est peut-être la phrase la plus importante de tout le paragraphe.
Mais revenons au rejet par Kerry de la solution à un seul État : Il affirme que
l’alternative qui est en passe de devenir rapidement une réalité sur le terrain [un seul État] n’est dans l’intérêt de personne, ni des Israéliens, ni des Palestiniens, ni de la région – ni des États-Unis.
Je pourrais multiplier les citations, comme lorsqu’il fait état
d’une réalité à État unique dont la plupart des gens ne veulent pas vraiment
, mais on comprend l’essentiel du propos.
Néanmoins, Kerry fait bien une allusion plus honnête à la vérité, à la fin d’une phrase qui apparaît comme une simple remarque incidente, bien dissimulée dans son argumentaire pour le rejet de la solution à un seul État :
Maintenant, dit Kerry, la plupart des gens des deux côtés comprennent ce choix fondamental, et c’est pourquoi il est important que des sondages israéliens et palestiniens montrent qu’il y a encore un fort soutien pour la solution à deux États – en théorie. Simplement ils ne croient pas que cela puisse arriver.
Cette phrase mérite un examen attentif.
Comme Youssef Munayyer l’a écrit dans
The Nation
le jour même du discours de Kerry :
Je crois que la solution à deux États est morte. Je ne crois pas qu’elle soit possible, et je doute que des observateurs plus sincères le croient. Près de deux tiers des Palestiniens des territoires occupés – le plus grand chiffre jamais observé – croient également que, du fait de la politique israélienne d’expansion cette solution n’est plus possible. Mais le monde a fait semblant de croire qu’elle était encore viable, en partie parce qu’il n’est pas préparé à faire face à la réalité de cette mort. Cette fiction a aidé à couvrir la colonisation israélienne : aussi longtemps qu’il y a un espoir de solution à deux États il y a moins de raison pour mettre la pression sur Israël au sujet de ses colonies, puisqu’au moins la plupart d’entre elles devraient être supprimées pour créer un État palestinien viable.
Munayyer renvoyait à un sondage du mois dernier confirmant son affirmation à propos des deux tiers des Palestiniens.
Il y a quelques jours, Gideon Levy a écrit dans
Haaretz
que la solution à deux États
est déjà morte
, et que
des partisans de cette solution répondent agressivement à quiconque essaie de mettre en doute leur croyance magique en un miracle qui ferait que ce qui est mort pourra d’une manière ou d’une autre être ressuscité.
Il argumentait en disant que :
La plupart des gens savent la vérité mais refusent de l’admettre. Ils savent que le nombre de colons a atteint une masse critique. Ils savent qu’aucun parti en Israël n’évacuera jamais les colonies. Et ils savent aussi que si elles ne sont pas toutes évacuées, il n’y a pas d’État palestinien viable. Ils savent qu’Israël n’a jamais eu l’intention de mettre en œuvre la solution à deux États. La réalité est que tous les gouvernements d’Israël – tous – ont continué la politique de colonisation. Les partisans des deux États sont inquiets, et même angoissés. Ils se comportent comme la famille d’un patient moribond en état de mort cérébrale, dont on a besoin des organes pour une transplantation, mais qui s’y refusent, espérant que d’une manière ou d’une autre un miracle va se produire et ressusciter le mort vivant. Il y a des rabbins qui leur promettent que c’est possible. De Kerry à Avnery, c’est exactement comme cela que les partisans du deux États agissent – espérant un miracle et donc empêchant la transplantation qui sauverait la vie.
Un récent sondage israélien diffusé par la radio
Reshet Bet
révèle qu’environ 40% de tous les Israéliens sont favorables à la solution à un État. Il est notable que ce soutien est le plus fort à droite et s’affaiblit vers la gauche, mais nous devons prendre garde à ce à quoi Levy fait allusion,
savoir la vérité mais refuser de l’admettre
, particulièrement à gauche dans ce cas. Concernant plus précisément les sondages, j’en ai parlé avec Levy il y a une semaine, et il était d’avis que
la plupart des Israéliens disent vouloir deux États, mais n’ont aucune intention de faire quoi que ce soit en ce sens. Aucune. Ils veulent deux États, mais sans évacuer les colonies, sans rien faire du tout, en somme.
On peut remarquer comment, dans le sondage en question, les électeurs du centre gauche de l’Union Sioniste sont presque également répartis entre le souhait d’annexer les
blocs de colonies
(46%) et les deux États dans les frontières de 1967 (47%). En fait, de tous les autres groupes, ils sont les plus fervents partisans de l’annexion des
blocs de colonies
, et cela correspond bien avec la plainte, récemment exprimée par le leader de l’Union Sioniste Herzog, que la récente résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU condamnant les colonies
fait du tort
aux
blocs de colonies
. Une fois de plus, nous devons prendre cela avec précaution, car dire que l’on veut
deux États
est devenu un paravent confortable. Comme Gideon Levy me le disait lors de notre conversation,
c’est très commode pour tout le monde de bavarder sur les ‘‘deux États’’ sans plus, c’est très confortable, surtout quand on sait que l’on n’y arrivera jamais.
Ce que veut vraiment dire
un seul État
Il se peut aussi que pas mal de gens se demandent comment il se fait que des Israéliens de l’aile droite veulent un seul État, ou plus précisément ce que cette expression signifie vraiment pour eux. Cette question mérite une analyse non seulement concernant le public israélien, mais aussi palestinien. Alors que je considérerai brièvement la signification du problème pour les Palestiniens occupés, je voudrais commencer en me focalisant sur le contexte israélien. De ce point de vue, une perspective très intéressante est fournie par l’ancien député maire de Jérusalem Meron Benvenisti, qui déjà en 2009 écrivait dans
Haaretz
que
il est courant de classer les gens comme étant soit à gauche soit à droite sur la base de leurs positions envers ‘‘les Arabes
, avec comme test décisif la position d’une personne sur un État palestinien. Mais supprimez ce test, et après une petite période de confusion, les positions réelles des gens sur des thèmes tels que l’égalité civique et le droit à déterminer son propre avenir se révéleront. Et alors, à notre grand surprise, les gens ‘‘de gauche” apparaîtront comme des droitiers et vice-versa ». Son article mérite encore l’attention dans la mesure où il envisage, en dépit de sa tonalité quelque peu cynique également marquée par le titre
La vogue du binationalisme
, une prise en compte assez sérieuse de la nécessité d’une réflexion sur ce que Benvenisti appelle
binationalisme
et que nous appellerions une solution à un État. Il termine sur la conclusion que
en tout état de cause, la discussion sur un État binational ne devrait pas intéresser seulement la gauche radicale. Car si l’option deux États disparaît, c’est sur nous tous que retombera le fardeau de gérer une réalité binationale
. Il remarque à juste titre une ironie de l’histoire qui fait que
il y a une génération, l’exigence de l’instauration d’un État palestinien à côté d’Israël exprimait une position radicale post-sioniste. Maintenant que cette exigence a été jugée acceptable par le cœur de l’establishment, et sert même de plate-forme aux partis politiques centristes, les cercles qui combattaient pour elle prennent leurs distances avec elle
.
En fait, nous ne devons pas nous laisser abuser par l’idée de la séparation de
deux États pour deux peuples
, qui est pour la génération précédente une idée dominante typiquement
de gauche
et
centriste
, et la prendre pour une position nécessairement
humaniste
ou
libérale
. Les motivations derrière cette idée peuvent être profondément racistes, et il n’est pas étonnant que l’un des partisans les plus virulents de
deux États pour deux peuples
soit le
centriste
et
libéral
Yair Lapid, dont le principe est
un maximum de Juifs sur un maximum de terre avec un maximum de sécurité et un minimum de Palestiniens
, ou encore
quiconque sort un couteau ou un tournevis doit être abattu
. Le courant séparationniste touche aussi en général la Gauche Sioniste (Herzog et ses
blocs de colonies
déjà évoqués), parce qu’alors que la gauche sioniste peut être une gauche dans le contexte du sionisme, historiquement elle a été plus sioniste que
de gauche
. C'est-à-dire que quand il a été question de savoir si l’égalité pouvait menacer le principe de l’État Juif sioniste, elle a opté pour ce dernier.
Sur la droite de l’échiquier politique israélien, nous voyons que le soutien à
l’annexion
est beaucoup plus fort, mais cela ne devrait pas nous amener à penser que ce que veulent ces gens est l’égalité et la suppression de l’État Juif. Il est intéressant que ce soit le
Shas
, le parti religieux, qui soit le plus fortement représenté ici, et cela peut être une indication qu’il y a aussi dans cette affaire une certaine motivation messianique juive, fortement religieuse. Un précédent historique qu’il est très utile de prendre en considération de ce point de vue est l’annexion par Israël de Jérusalem Est en 1967, jugée illégale par l’ensemble de la communauté internationale. Depuis 1980, cette annexion est inscrite dans une
Loi Fondamentale
israélienne quasi-constitutionnelle :
Loi Fondamentale : Jérusalem
(Israël n’ayant pas de constitution, les
Lois Fondamentales
visent à constituer sa future hypothétique constitution). Son premier article pose que
Jérusalem, complète et unifiée, est la capitale d’Israël
. C’est un statut qu’aucun pays au monde ne reconnaît. Mais pour les Israéliens, le concept romantique de
libération de Jérusalem
a fait vibrer une corde romantique-messianique du sionisme tellement sensible (de fait, le terme Sion découle de Jérusalem) que la perspective d’en faire
une réalité de terrain
a été si irrésistible qu’elle a pu recueillir un large soutien public en dépit de son illégalité flagrante. Israël a ainsi annexé Jérusalem Est en 1967 et, de ce fait, Jérusalem Est devrait nous fournir une sorte de test décisif en vue d’examiner comment Israël imagine une telle
unité
en cas d’annexion ou d’État unique.
En annexant Jérusalem, Israël a accordé à ses sujets palestiniens de Jérusalem Est non pas la citoyenneté, mais des permis de résidence permanente, avec l’option de demander la citoyenneté. Historiquement il a été litigieux pour les Palestiniens de demander ces permis, du fait que c’était interprété dans la société palestinienne comme une certaine
normalisation
de l’illégalité israélienne, interprétation en elle-même parfaitement en accord avec la loi internationale. Le nombre de demandeurs est ainsi resté dans les limites de quelques faibles pourcentages. Néanmoins, à partir d’environ le début du millénaire, il y a eu une augmentation du nombre de demandes. Cependant la raison de cette augmentation n’est pas à chercher dans un rapprochement idéologique avec l’État Juif. Comme le souligne Ahmad al-Khalidi, enquêteur de terrain à Jérusalem Est, la majorité des Hiérosolymites de la partie Est demandent la citoyenneté israélienne pour une seule raison : s’assurer de ne pas être expulsés de la ville.
Ils se considèrent Palestiniens, mais demandent la citoyenneté pour garder leur statut de résident
, dit-il. Depuis 1967, Israël applique aux Palestiniens de la partie Est de Jérusalem la loi de 1952 sur
l’entrée en Israël
, loi qui donne au Ministère de l’Intérieur le droit de révoquer le statut de résident de quiconque est resté hors du pays pendant 7 ans, a reçu le statut de résident permanent dans un pays étranger et/ou est devenu citoyen d’un pays étranger. En outre, en 1995, sans aucune déclaration publique, selon le groupe israélien de défense des droits de l’homme B’Tselem, le Ministère de l’Intérieur a commencé à exiger des Hiérosolymites Est, demandant un permis, de prouver que la capitale était leur centre de vie. Rétroactivement, des milliers de familles se sont trouvées légalement en situation de voir leur statut de résidents révoqué. Ce processus entraîne des problèmes bureaucratiques immenses que je n’aborderai pas en détail ici, et son résultat a été une vague sans précédent d’évictions qui a atteint son pic avec près de 5 000 évictions en 2008. De surcroît, à partir de cette date (2008), le traitement des demandes par Israël s’est ralenti et a pratiquement cessé ces dernières années. En tout, à peu près le même nombre de Palestiniens ayant demandé la citoyenneté depuis 1967 (dont la plupart sans succès) ont été évincés de Jérusalem Est au fil des années (environ 14 000). Ainsi, voilà ce qu’est Jérusalem Est pour les Palestiniens (les colons, privilégiés, sont évidemment une tout autre histoire) dans le cadre de Jérusalem
complète et unifiée
. Voilà ce que sont
l’annexion
et
l’égalité
israéliennes. De sorte que si quelqu'un a l’illusion que l’annexion, ou un seul État, serait synonyme de démocratie, d’égalité et de liberté – qu’il y réfléchisse à deux fois. Pour les Juifs, cette annexion peut être un autre moyen de prendre le pouvoir et de faciliter la poursuite du nettoyage ethnique. Il faudra beaucoup plus que de simples simulacres stériles de prétendues
annexion
et
unification
pour devenir réalité, et c’est pourquoi nous devrions aussi être méfiants vis-à-vis de ces Israéliens qui la demandent, spécialement ceux venant de la droite.
À la gauche du sionisme, il y a eu historiquement un mouvement, notamment représenté par
Brit Shalom
et
Hashomer Hatzair
, qui a défendu le
binationalisme
, mais avec l’instauration d’Israël, ces mouvements ont été marginalisés politiquement, tandis que le sionisme travailliste dominant et hégémonique de Ben Gourion occupa le devant de la scène et assura une représentation politique assez exclusive jusqu’à la première victoire électorale de l’aile droite avec Begin en 1977. C’est cette tendance hégémoniste qui a continué à représenter l’essentiel de la gauche sioniste depuis.
Pour aborder brièvement maintenant de ce point de vue les Palestiniens occupés (je le fais brièvement car je suis plus au courant de la politique israélienne, et en tant que Juif israélien je me garde de parler de façon trop marquée en leur nom) :
De ce côté aussi il y a eu des partisans, d’horizons divers, pour un État unique. Depuis sa création à la fin des années 1960, cela a été le but du FPLP marxiste (hélas considéré comme une organisation terroriste par les États-Unis, le Royaume Uni, l’Europe, l’Australie et le Canada). Cela fut aussi le but de l’OLP à travers la formule
libération de toute la Palestine
, jusqu’à ce que l’OLP change de position en 1988 au profit d’un objectif à deux États et reconnaisse Israël aux accords d’Oslo en 1993. Mais on voit que, en pratique, cette reconnaissance n’a pas été réciproque, et bien que plus de 130 pays reconnaissent la Palestine, ce n’est le cas ni d’Israël, ni des États-Unis, et cette
solution à deux États
n’a pas vraiment émergé du
processus de paix
. Bien sûr, ceux qui ont prêté attention aux propos des
pacificateurs
israéliens auront noté que Rabin déclara à la Knesset en 1995 que ce processus signifierait
moins qu’un État (palestinien)
, ou que Peres était
farouchement opposé
à un État palestinien pendant toutes les années du processus d’Oslo, comme l’ancien Ministre des Affaires Étrangères Shlomo Ben Ami le note dans ses mémoires. Je n’ai même pas besoin de parler de la plate-forme du Likoud en 1999, jamais annulée, qui
rejette catégoriquement un État palestinien
. Nul doute que cela explique en partie la frustration ressentie par les Palestiniens aujourd’hui.
Dans le sondage palestinien évoqué plus haut, l’observation que 65% croient
que la solution à deux États n’est plus viable en raison de l’extension des colonies
est intéressante dans sa formulation, car celle-ci fait le lien avec une certaine réalité sur le terrain. La question n’est pas du type
Que voulez-vous ?
mais plutôt du type
Compte tenu de la réalité, que croyez-vous ?
. D’ailleurs, ce pourcentage est en hausse de 56% par rapport à il y a 3 mois.
La solution à deux États a ainsi été une position dominante du Fatah pendant la dernière génération. Quant au Hamas, bien qu’il ait apparemment démenti un accord officiel avec cette position, il a effectivement tenté de s’en approcher d’une manière pragmatique, de même qu’en avril 2014 l’accord palestinien de réconciliation et de gouvernement unifié a été considéré même par les dirigeants palestiniens comme une reconnaissance
de l’existence d’Israël et [comme] fondé sur le modèle à deux États
(Jibril Rajoub). Hélas, cette fragile unité, qui signifiait que les principaux intervenants internationaux (le Quartette du Moyen Orient) étaient disposés à négocier avec un gouvernement incluant le Hamas, fut immédiatement détruite par Netanyahou qui affirma que Abbas devait choisir
la paix ou le Hamas
, et à partir de là il n’y avait plus qu’un pas à franchir jusqu’au massacre de l’été à Gaza.
Pour les Palestiniens, une solution à un État peut aussi apparaître comme un renoncement à un État palestinien souverain face à leurs colonisateurs. Ils ne peuvent pas non plus être certains que cet État unique n’exercera pas vis--à-vis d’eux la même discrimination que celle que l’État Juif exerce déjà envers ses sujets non-juifs. Mais je pense que nombreux sont ceux qui ont pu constater que face à la réalité de l’occupation ils n’ont pas grand-chose à perdre. On peut espérer que cet État deviendrait finalement démocratique et laïque, et également aussi multiculturel et religieusement tolérant que le fut un jour la Palestine. Plusieurs amis palestiniens m’ont dit qu’ils n’ont pas de griefs contre les juifs, mais contre les sionistes. Et si cela n’était pas vrai, je ne pense pas qu’ils seraient mes amis puisque je suis un juif, et même un juif israélien. Si un État unique n’est pas un État Juif (mais plutôt démocratique), alors effectivement ce n’est pas un État sioniste. Bien entendu, il y aura sans doute des ultra-nationalistes et des intégristes des deux côtés, mais au moins cela ne sera pas institutionnalisé.
Revenons maintenant à l’affirmation de Kerry selon laquelle
la plupart des gens des deux côtés comprennent ce choix fondamental, et c’est pourquoi il est important que des sondages israéliens et palestiniens montrent qu’il y a encore un fort soutien pour la solution à deux États – en théorie. Simplement ils ne croient pas que cela puisse arriver.
La première partie de cette phrase semble hautement trompeuse. Il semblerait aussi que le jugement de Kerry penche plus du côté israélien, non du côté palestinien.
Diana Buttu, avocate palestinienne et ancienne conseillère de l’OLP et de l’Autorité palestinienne a récemment commenté cela lorsqu’elle a déclaré (dans un débat de
Democracy Now
avec Gideon Levy) que :
La communauté internationale a parlé de nous mais pas avec nous. Et cela se voit particulièrement dans la déclaration de Kerry disant que les gens, les Palestiniens, ne veulent pas d’un seul État. En fait les sondages montrent le contraire, que les gens ne croient plus aux deux États, et même en laissant de côté le négatif – le fait de ne pas y croire – que les gens veulent vraiment un seul État. Il est donc temps que l’on écoute la voix des Palestiniens. Nous sommes capables de parler par nous-mêmes.
En référence à ce que Buttu appelle
laisser de côté le négatif
, le
Los Angeles Times
rapporte que, ces trois derniers mois, le soutien à un seul État est passé de 32% à 36%.
Lors d’une conférence au club de la presse de Jérusalem, Khalil Shikaki, directeur de l’institut de sondage, a dit que
C’est un changement majeur, une érosion significative de la viabilité de la solution à deux États. Aujourd’hui nous n’avons pas un soutien majoritaire à la solution à deux États. Ce qui a augmenté c’est le soutien à la solution à un seul État.
De fait, Kerry semble parler à l’intérieur de son propre monde perçu, ou par vœux pieux, c'est-à-dire parler de quelque chose qui est quelque peu éloigné de la réalité de ce qui est et de ce que pensent les gens, et qui déforme cette réalité. C’est particulièrement vrai lorsqu’il parle des Palestiniens. Son désir de croire la
théorie
semble occulter son attention aux faits et, pour lui, la
croyance que cela peut arriver
semble la SEULE VOIE. C'est-à-dire la seule voie pour maintenir l’État Juif, puisque pour lui l’alternative n’est pas imaginable. Ainsi, sa perception présente un biais sioniste certain, et cela ne devrait surprendre personne puisque cela sert aussi
l’avancée
des
intérêts des USA dans la région
. La question est de savoir combien de temps le mantra de Herzl :
Si vous le voulez, ce n’est pas un rêve
continuera à convaincre, alors que ce sont surtout les Palestiniens qui subissent un cauchemar.
- voir : http://mondoweiss.net/2017/01/growing-palestinians-israelis/#sthash.8BeiqXPG.dpuf
Première publication sur le site : www.mondoweiss.net
Traduit et publié dans Dialogue avec l’aimable autorisation des responsables du site et de Jonathan Ofir.