Interview de Loubna Qutami, coordinatrice générale du Mouvement de la jeunesse
20 septembre 2011
- Pouvez-vous vous présenter pour les lecteurs de la revue Dialogue ?
- Le Mouvement de la Jeunesse Palestinienne (Palestinian Youth Movement - PYM ) est un mouvement de base, indépendant, international des jeunes Palestiniens en Palestine et en exil à travers le monde qui est le produit de l'occupation et de la colonisation sioniste de notre patrie. Notre appartenance à la Palestine et notre aspiration à la justice et à la libération nous incitent à assumer, en tant que jeune génération, un rôle actif dans la lutte nationale pour la libération de notre patrie et de notre peuple.
Au-delà de nos différentes origines politiques, culturelles et sociales, nous nous efforçons de faire renaître la tradition de l'engagement pluraliste à l’égard de notre cause pour assurer un avenir meilleur, caractérisé par la liberté et la justice au plan politique et social, pour nous-mêmes et les générations qui suivent.
- Quelle est l'attitude des jeunes de Palestine aujourd'hui en ce qui concerne l'Autorité palestinienne et les organisations palestiniennes en général ?
-Le débat sur la reconnaissance de l'État aux Nations Unies a déclenché de nombreuses réactions, attitudes et perspectives différentes au sein de la jeunesse palestinienne dans le monde. Tandis que certains Palestiniens, qui voient l'occasion d'acquérir des formes de pouvoir économique et politique individuel, soutiennent la proposition d'un État conformément à leurs intérêts individuels, nous estimons que la majorité des jeunes palestiniens qui soutiennent la déclaration d'un État voient peut-être cela comme une occasion, un dernier recours, pour le peuple palestinien de se sortir de la situation difficile dans laquelle il se trouve et qui est le produit de près de deux décennies d'un processus de paix et de négociations néfastes. L'annexion permanente de terres palestiniennes par l'État d'Israël, le refus du droit au retour des réfugiés sur leurs terres, le contrôle des Israéliens sur les frontières, la terre, l'espace aérien, le mur d'apartheid, les points de contrôle ainsi que l'impasse des négociations ont conduit à un grand épuisement et les Palestiniens sont allés de Charybde en Scylla. Les Palestiniens n'ont rien à négocier parce que le système et le processus de négociation ne reconnaissent pas la distinction de pouvoir entre le colonisateur et le colonisé. En conséquence, ceux qui soutiennent la proposition de créer un État estiment peut-être que c'est un processus dans lequel l'État d'Israël devra rendre plus de compte envers la communauté internationale et où les Palestiniens pourront établir leur souveraineté sans l'approbation de l'oppresseur. Qui plus est, la proposition de créer un État capitalise la force politique qui balaie toute la région et qui est en train de renverser rapidement les régimes tyranniques néo-colonialistes et la direction palestinienne sent bien la pression et cherche à se dédouaner de son échec au long des deux dernières décennies, à ne pas avoir été en mesure de déterminer une solution définitive, ni à même d’améliorer la vie des Palestiniens sous un régime d'occupation militaire, et à avoir affaibli sa légitimité aux yeux de son propre peuple.
Cependant il est irresponsable et contraire à notre sens de la morale de dire que la majorité de la jeunesse palestinienne soutient la reconnaissance de déclaration d'un État. La proposition est présentée par une direction palestinienne qui ne représente pas la majorité de la jeunesse palestinienne dans le monde, notamment pas ceux qui sont réfugiés ou qui vivent en exil. La proposition de créer un État nie le droit palestinien au retour sur toute la Palestine historique parce qu'elle consolide les frontières basées sur juin 1967 et parce qu’elle ne représente pas non plus les aspirations nationales de la majorité de la jeunesse palestinienne. De plus, la proposition de créer un État ne répond pas aux questions les plus importantes pour la jeunesse palestinienne d'aujourd'hui : Jérusalem, les réfugiés, les colonies, les frontières, l'exploitation des travailleurs et la corruption de certains individus et de certaines institutions au sein de la direction palestinienne. Plus important encore, la reconnaissance d'un État ne correspond pas aux aspirations ni aux revendications de la jeunesse palestinienne à l'intérieur de la Palestine et au plan international : un mouvement de libération qui soit transparent, conforme au sens moral, et qui implique tous les Palestiniens (les réfugiés, les exilés, les femmes, les jeunes, les pauvres, les prisonniers politiques) et qui soit fondamentalement anticolonial. La reconnaissance d'un État ne répond pas à la division et à la corruption de la direction palestinienne, ni aux perspectives d'impliquer plus de jeunes ainsi que les autres Palestiniens privés de leurs droits dans le processus allant vers la négociation des termes de liberté et de patrie. Elle détourne plutôt notre peuple de se trouver entraîné par la vague de révolutions du Printemps arabe et de reformuler et revitaliser notre propre mouvement de libération. En permettant aux Nations Unies, aux États Unis et à Israël de déterminer ce qui caractérise l'État palestinien au lieu de donner au peuple palestinien les moyens de construire une nation véritablement libérée, autodéterminée et démocratique qui assure la justice et la paix pour son peuple et pour tous dans la région, la proposition affaiblit le peuple palestinien, celui de l'intérieur et celui en exil.
Au fond, le PYM considère la proposition de reconnaissance d'un État comme un artifice qui détourne l'attention de la communauté internationale de ce qui est réellement nécessaire pour mettre fin à l'occupation et à la colonisation et pour tenir Israël pour responsable de ses actes, et ce par la campagne
Boycott, Désinvestissement et Sanctions
. De plus, la proposition dévie encore une fois l'attention des Palestiniens en mettant en avant une fausse promesse de souveraineté, contraire à la morale, (comme cela avait été le cas lors des Pourparlers de Madrid en 1991 et avec les Accords d'Oslo en 1993) pour affaiblir et détourner l'attention de la jeunesse palestinienne et arabe en général de la construction d’organisations de libération cohérentes, implantées à la base, pour une transformation politique durable.
- Quels sont vos projets dans l'avenir immédiat ?
- En ce moment, le PYM est en train d'agir pour renforcer les bases internationales des sections du PYM et pour renforcer, motiver et préparer la jeunesse palestinienne à travers le monde à assumer ses droits et ses responsabilités afin de revitaliser un mouvement palestinien international centré sur la justice, la jeunesse et la libération.
Nous interviendrons dans le cadre de la mise en œuvre du projet
Jusqu'au Retour et à la Libération
qui sera mené et mis en place dans les différentes sections dans le monde, et qui comprend différents aspects et porte sur des thèmes variés, dont la formation politique de nos communautés et de nos alliés, le développement organisationnel, et une plus grande transformation sociale. Le PYM a besoin du soutien de tous ceux qui soutiennent ces combats.