Quelques questions et faits pour poursuivre une discussion nécessaire
Par François Lazar
Les accords d’Oslo auront bientôt vingt ans. Sur le terrain, la constitution de l’Autorité palestinienne et le découpage de la Cisjordanie en trois zones n’ont fait que consacrer la politique israélienne de négation des droits les plus élémentaires de la population palestinienne et le vol continu de ses terres. Sans les milliards de dollars de subventions, en provenance notamment des pays du Golfe, l’Autorité palestinienne, dont la principale mission est de contrôler la population, n’aurait elle pas sombré depuis longtemps ?
Peu de temps après la signature des accords d’Oslo, la Cisjordanie fut divisée en trois zones. La zone A, comprenant 18% du territoire et les principales agglomérations palestiniennes, fut placée sous le contrôle de l’Autorité palestinienne. La zone B, soit 22% du territoire, passa sous le contrôle de l’armée d’occupation, mais avec une prise en charge administrative supplétive de l’Autorité palestinienne. La zone C enfin, représentant 60% du territoire, regroupait les implantions israéliennes, et fut placée sous un contrôle total de l’armée d’occupation. Tandis que les zones A et B sont divisées en plus de 150 cantons déconnectés les uns des autres, encerclés par le mur et des barbelés, et contrôlés par plus de 350 check-points militaires, la zone C quant à elle, concentre l’essentiel des ressources naturelles et représente un territoire homogène. Selon l’association B’Tselem, la population israélienne y est passée, en vingt ans, de 110 900 habitants à 350 000. En vingt ans, le prétendu
processus de paix
– expression toujours utilisée par les médias et gouvernements du monde entier pour qualifier l’une des plus grandes supercheries diplomatiques de l’histoire contemporaine – n’a fait qu’entériner la politique israélienne de répression et d’écrasement des Palestiniens. La création de l’Autorité palestinienne, dont les dirigeants n’ont eu de cesse de vider l’OLP de son contenu, et la séparation avec la Bande de Gaza, n’ont-elles pas divisé les Palestiniens comme jamais ? C'est dans ce cadre que de plus en plus de voix s’élèvent pour revenir aux sources du mouvement national palestinien, dont la charte constitutive de l’OLP représentait le fondement.
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De
solution temporaire
en
solution temporaire
, chaque fois avec le soutien des présidents américains successifs, l’Etat israélien gagne du terrain. Les discussions sur la perspective d’un Etat palestinien visent uniquement à gagner du temps, tout le monde ayant conscience qu’une telle perspective ne verra jamais le jour : tout d’abord, parce qu’elle nie la possibilité de mettre en œuvre le droit au retour des réfugiés, mais aussi parce que le sionisme est fondamentalement exclusif. Le maintien permanent du principe de
processus
renvoie à l’image d’une guerre d’usure, d’une guerre sans fin, car si processus il y a dans cette région du monde, c’est bien d’un processus d’étouffement qu’il s’agit.
Les multiples voyages de John Kerry dans la région, et avant lui de Clinton, de Rice, accompagnés parfois du président lui-même, ne visent qu’à camoufler cette situation, à faire croire, avec l’appui de médias disciplinés, qu’une
solution
pourrait prochainement voir le jour. L’essentiel, dans une région où les grandes puissances ne maîtrisent plus le cours de l’histoire, étant de permettre à l’Etat israélien de conserver sa capacité à faire régner l’ordre.
Ces opérations cependant n’ont jamais réussi à émousser le sentiment d’injustice, la capacité à résister, à revendiquer les droits égaux du peuple palestinien… ni à juguler la crise économique et sociale qui plonge une masse toujours plus grande de la composante juive israélienne dans l’incertitude et la précarité.
Est il juste de dire, comme le fait la revue Dialogue depuis plus de dix ans, qu’il n’y aura pas de démocratie sur le territoire de la Palestine historique sans droit au retour des réfugiés palestiniens et la mise en œuvre de l’égalité des droits entre toutes les composantes qui vivent dans la région ?
Peut on affirmer que toute autre perspective ne fera que prolonger le processus de dépossession et d’emprisonnement du peuple palestinien dans son ensemble ?
Nous invitons nos lecteurs à poursuivre cette discussion et à nous faire parvenir leurs contributions.
Sommaire :
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Quelques questions et faits pour poursuivre une discussion nécessaire,
par François Lazar - Page 5
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Uri Avnery s’en prend à la solution à un seul Etat avec des arguments spécieux,
par John Spritzler - Page 8
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Sans retour, la Palestine ne sera pas libre,
par Abir Kopty - Page 10
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Rencontre avec Hassan Abou Ali, membre du comité central du Front Populaire de Libération de la Palestine
Interview réalisée par un correspondant de Dialogue - Page 11
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De Camp David à Oslo, une même continuité (La guerre d’octobre 1973 et la Charte de l’OLP, quarante ans après),
par Samir Hassan - Page 17
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After Zionism, one State for Israel and Palestine (Après le sionisme, un seul Etat pour Israël et la Palestine). Note de lecture,
par Sam Ayache - Page 22
- En Israël, le droit ne s’applique pas à tous les citoyens Interview de Haneen Naamnih